Intervention du collectif «L’Appel du 7»

 

Temps administratif, temps institutionnel, temps subjectif

 

Charly Fremaux

 

(suivent les interventions de Valérie Gay-Corrajoud, deTristan Fritsch et d’Hervé Leick)

 

Bonjour à toutes et tous,

 

Nous intervenons pour  un  collectif interinstitutionnel qui  s’appelle l’Appel  du  7,le  thème  de notre intervention est «Temps institutionnel, temps subjectif et temps administratif».

 

Nous sommes 4 intervenants, si vous avez bien compté il y a trois temps: ça fait 7!

 

On  m’a  demandé  si nous  étions 7 toute-à-l’ heure: je  confirme, nous  sommes  bien  7.  Même  8 avec Hervé Chambrin parce que nous sommes de l’Appel du7, qui n’est pas l’Appel des7. Donc ça permet d’être 8 ou 800...comme on veut!

 

Nous sommes 4 intervenants et ce qui est intéressant est que nous sommes tous à des places différentes:

 

Hervé Leick est  éducateur  spécialisé,  Valérie Gay-Corrajoud est  auteure  et maman  d’un enfant autiste, Tristan Fritsch est en formation d’éducateur spécialisé et moi-même,  je suis  éducateur  spécialisé,  formateur  vacataire en  formation  de  science  de l’éducation. Corinne  Gal nous  disait qu’elle était trempée de sueur et fourbue et qu’elle essayait  de recontacter le vivant. Je l’ai noté car je me disais que c’était de l’engagement, mais, incarné et ça m’intéressait beaucoup,  parce  que  nous  aussi,  nous sommes engagés...et nous  voulons incarner notre  engagement.  Alors,  incarner, c’est dans le corps généralement et là, c’est aussi dans la cité et, je vais oser le mot: c’est aussi politique.

 

On parle beaucoup de clinique, et nous aussi  on  va  parler  de  clinique,  mais  on  va  parler  également  de  politique,  parce  que  la  clinique qui ne s’inscrit pas dans le politique, ça ne sert à rien, selon nous.

 

Bref, on va parler de clinique, d’engagement, d’amour, d’humanité, de collectif, d’éthique... Il va falloir assurer!

 

Valérie   va   parler   de   la   poésie   de   la   famille,   de   la   vie   et   de   la   différence.

 

Tristan   de l’anthropologie, de rêve, d’ennui et de praxis et Hervé, d’engagement collectif, d’institution, de distance, proche et lointaine et de folie.

 

L’appel du 7 est un collectif qui est né le 7 juillet 2017. C’est la date de notre première réunion créée à l’initiative de professionnels suite à un bilan: un  manque  de  places criant  dans  nos institutions.

 

A   la   base,   dans   les   hôpitaux   psychiatriques,   des   réductions   de   moyens,   drastiques, et, forcément, dans toutes les institutions, c’est plus compliqué. Dans  la  protection de l’enfance, dans les CHRS aussi, pour les migrants aussi, etc, etc.

 

L’utopie,  c’était  d’éviter  le  mauvais  objet  chez  les  interlocuteurs,  ça  reste  une  utopie, forcément, et de croire en l’humanité, voire même, en l’humanité de l’administration.  Si  on s’inscrit dans quelque chose de politique, on pense que le temps administratif peut être un temps sensé.  On partait aussi sur quelque chose qu’avait dit Roland Gori sur les professions canari. Il a écrit dans la postface d’un ouvrage qui s’appelle « Debout  pour  nos  métiers  du  travail  social»  qui est paru début 2018: «Pourquoi  le  métier,  impossible,  selon  le  mot  de  Freud,  témoigne-t-il plus que d’autres parfois, avec d’autres souvent, que cette violence faite à la parole et à la relation, menace sérieusement la civilisation? Peut-être  parce  que  nous  sommes,  ce  que  j’appelle,  des professions  canaris. Les  mineurs descendaient avec des canaris dans les galeries de mines, car l’agitation de ce pauvre oiseau permettait d’anticiper les coups de grisou. Je considère que les professions du travail social, du soin, de l’éducation,  de  la  justice,  de  la formation  et  de  la  culture,  sentent,  dans  nos  sociétés,  venir  le  coup  de  grisou.  Elles  sont  des lanceurs  d’alertes qui   se   heurtent   depuis   quelques   décennies   à   la   surdité   intéressée   des décideurs politiques».

 

Alors, on n’a pas une seule utopie, on en a plein. Du coup, l’une de ces utopies, c’est de ne pas rester des canaris et d’être aussi un peu des colibris, pour ne pas rester dans la déchéance et dans l’attente du coup de grisou fatal, ni dans la fuite des mines, mais aussi, de faire le colibri, les battements d’ailes du papillon, de travailler tous ensemble, et de croire en quelque chose de possible et de meilleur.

 

Jusqu’ici nous avons eu 5 réunions. Nous avons des réunions tous les deux mois et nous faisons des travaux parfois entre les réunions.

 

A la première réunion, on était à peu près 7. On a fait un tour de table pour savoir pourquoi les gens étaient venus. C’était osé: certains nous ont dit que c’était n’importe quoi et d’autres nous ont dit que c’était génial. Mais on pense qu’un combat ne peut pas se faire si on ne prend pas en compte chacune des personnes présentes.

 

Si on ne prend pas en compte, non seulement leur singularité, leur subjectivité, mais aussi, là où elles en sont. Forcément, c’est un collectif, donc c’est mouvant. Il y a des gens qui viennent, il y a des gens qui partent, il y a des gens qui s’engagent, il y a des gens qui se désengagent, il y a des gens qui râlent, il y a des gens qui sont heureux, et on essaye de prendre tout ça en compte. Le but, c’est autant prendre soin de chacun d’entre nous que de mener quelque chose de politique. Parce que l’un ne va pas sans l’autre. Jusqu’ici,  les  actions  que  nous  avons  menées,  c’est:

 

-une   réunion  tous   les   2   mois,  

 

-des questionnaires  aux  parents  et  aux  professionnels,  pour  bien  comprendre  la  situation,

 

-de  la médiatisation,

 

-un projet de vidéo en cours,

 

-une écriture collective d’un manifeste,

 

-une pétition pour «une place digne pour chacun et chacune», pour défendre ce droit.

 

Il   y   a   un   enjeu   de   places, avec   des   gens  qui   sont   considérés  de  plus   en  plus   comme surnuméraires dans notre société: les chômeurs, les malades, les fous, etc... Une place digne, parce qu’il ne suffit pas seulement d’avoir une place, il faut aussi avoir une place  de  qualité,  et  un  accompagnement  de qualité, avec de l’humanité, avec du savoir-faire, des métiers qu’on revendique. Et cette place est un droit à revendiquer dans  une  réflexion collective, c’est ce qu’on essaye de médiatiser.

 

Je vous ai présenté le collectif où l’on parle du temps institutionnel, subjectif et administratif. Je voudrais  parler  du  temps  administratif  qui  contient  des  longueurs  proustiennes  sans  en bénéficier de l’esthétique ni de la justesse. Il faut aujourd’hui, à peu près 4 ans d’attente pour avoir une place pour un enfant,  en  IME,  à partir  du  moment   la  MDPH  a  notifié  un  placement  en  IME. 4 ans d’attente, à partir du moment où les parents ont cette notification et font la demande à l’IME. Il  faut  déjà  du  temps  pour  demander  la  notification  à  la  MDPH  et  ensuite  pour  faire  une demande en IME. Pour un enfant qui grandit vite, qui a des besoins, qui a parfois beaucoup de besoins.  Des  besoins  d’accompagnement  individualisés,  des  besoins  d’accompagnements particuliers. 4 ans d’attente, ça peut être énorme. Ça peut être 4 ans durant lesquels l’enfant va de plus en plus mal, durant lesquels la famille va de plus en plus mal, durant lesquels l’entourage va de plus en plus mal, etc.

 

Aujourd’hui, dans notre société, on est souvent dans l’immédiateté, dans l’impulsivité.

 

Là-dedans il y a la négation du langage et de l’autre, il y a du collage, il y a de l’Un (du seul), mais pas de commun...

 

Le  revers de l’impulsivité, c’est la médiatisation.  Il ne faut pas forcément répondre  à  une demande dans l’immédiateté.  C’est ce qu’on dit souvent dans  nos  métiers: généralement, il faut se  garder  d’être dans l’urgence. Mais  il  y  a  un  gouffre  entre  la  réponse  en  urgence  et  la non-réponse.

 

Ce temps d’attente administratif, ce n’est pas un temps d’entente. Ce n’est pas un temps où l’on  prend  le  temps  d’entendre,  où l’on essaie  de comprendre,  où l’on  met  du sens. C’est un temps  qui  est  vide. Un  manque,  une  impossibilité  de  désir, d’humanité. Et c’est un temps pendant lequel l’enfant grandit. Ce  temps  d’attente ne  prend  pas  en  compte  la  demande,  ni  son  sens  caché.  Il  répond  à  des exigences   technico-juridiques  froides  et  désincarnées.  Il  n’a  pas  de  sens.  Et  ces  délais inhumainement longs nous opposent de l’indifférence à l’espoir d’une prise en charge.

 

XXXV èmes Journées Vidéo-Psy

Nous voilà cette année encore à l'Institut Nazareth, 13 rue de Nazareth en mars 2024. Le rituel printanier se poursuit

Organisées par le C.R.A.P.S

(Dr R.BRES), le groupe Vidéo-psy et le CHU de  Montpellier,

Les journées sont gratuites et ouvertes aux personnels de santé et aux partenaires sociaux sans inscriptions préalables.

 

REGARDS

 

CROISES SUR

 

LA MÉMOIRE